Des livres et des giboulées

Puisque je compte vous parler ici principalement de lecture, quoi de plus logique pour un premier article que d’évoquer avec vous celles qui ont émaillé mon mois de mars, accompagné ses averses furieuses et ses rayons de soleil timides ?

Pas de critique en bonne et due forme : ni résumé aguicheur, ni jugement sans appel auréolé d’une lumière de vérité, simplement un avis subjectif. J’espère que l’ensemble sera assez varié pour, peut-être, vous donner envie de saisir l’un de ces ouvrages et de vous y plonger.

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Vous me direz si cette forme d’article vous plaît ? On y va !

New-York, Esquisses nocturnes, de Molly Prentiss

Voilà une auteure dont je n’avais jamais entendu parler, et un livre que j’ai lu parce que quelqu’un me l’a mis entre les mains, tout simplement. On y croise les tortueuses trajectoires de trois personnages (un peintre en exil, une jeune fille qui s’ennuie un peu trop, un critique d’art un brin inadapté socialement), dont les destinées, vous vous en doutez déjà, finiront par se croiser. Rien de trop prévisible ici cependant. Les héros sont finement décrits et attachants, loin des clichés. Mention spéciale pour James Bennett. Rien à voir avec Orgueil et préjugé : ce malheureux homme « souffre » depuis tout petit de synesthésie, un mal assez joli qui lui fait associer à chaque personne, situation, objet qu’il rencontre, des sensations, aussi fortes qu’inattendues. Lorsqu’il tombera amoureux, sa vie deviendra rouge et fraise. Chaque tableau que cet homme épris d’art côtoiera emplira sa bibliothèque intérieure d’une symphonie de sons, parfums, images, mélodies…

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Sans compter qu’un des plus beaux personnages du roman est évidemment New York, raison qui devrait suffire à tous les amoureux de cette ville pour se plonger dans ces pages retranscrivant l’ambiance nocturne du downtown des  années quatre-vingt, du milieu de l’art, des squats et des galeries, des bars louches et des musées.

Le tout, facile à lire (sans être indigent) et bien écrit (sans être, il est vrai, magnifique).

Avec le corps qu’elle a…, de Christine Orban

Ce court roman évoque la violence d’une phrase, « Avec le corps qu’elle a, ça va être facile pour elle… », prononcée par le beau-père de la narratrice. Paroles destructrices qui nient la personnalité et la profondeur de la jeune femme, pour la réduire à un corps, une enveloppe sans grand intérêt, autre que sexuel.

La thématique, en cette période de grands débats, est intéressante. Je n’ai pourtant pas été convaincue par ce livre : si l’idée de départ est percutante, son traitement (peut-être trop explicite ?) m’a bien souvent laissée de marbre, moi qui suis pourtant sensible aux questions féministes. Cet avis (à peine esquissé) n’est que subjectif, beaucoup ont visiblement aimé ce livre, et je serais curieuse, si vous l’avez lu, de savoir ce que vous en avez pensé !

Un Brillant avenir, de Catherine Cusset

Roman qui, malgré son titre, se construit entre passé et présent, Un Brillant avenir est un récit puissant, malgré un style que je trouvais froid alors que je tournais les premières pages. S’y mêlent le présent et le passé proche ou lointain d’Helen-Elena ; à travers son histoire, s’esquisse celle(s) de tous les siens. Grand roman sur l’exil, la famille, le couple, le fait de devoir – à l’aune de changements radicaux – tout reconstruire, les choix, la filiation, la mort, les projections, les espoirs, l’abandon, la transmission, ces pages en apparence simples sont emplies d’une immense richesse. La romancière sait décrire très justement, sans excès, ni mièvrerie, ni trop grand violence, ce qu’est très souvent une famille : un enchevêtrement d’amour, d’incompréhension(s), de rancoeurs parfois, de don. La liste, là encore, pourrait serpenter longtemps. Ce sentiment de force, de justesse et de complexité, je l’avais eu déjà en découvrant La Haine de la famille. Convaincue une fois encore, je me replongerai sans hésiter dans l’univers de l’auteure.

Inséparables, de Sarah Crossan (traduction de Clémentine Beauvais)

J’avais adoré Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais et, lorsque j’ai vu qu’elle avait traduit ce roman, en vers qui plus est, j’ai sans doute eu de (trop) grandes attentes. Elles m’ont probablement empêchée d’apprécier ce livre à sa juste valeur. Si j’ai été émue par l’histoire de ces soeurs siamoises (deux bustes, mais un bassin et une paire de jambes à se partager), je n’ai pas été transportée comme j’aurais aimé l’être. Les questions esquissées par ce livre young adult sont pourtant passionnantes : ces soeurs sont-elles deux individus ? une seule personne ? A lire si vous aimez la littérature jeunesse, si le sujet vous intéresse, si vous êtes curieux de découvrir un roman en vers…

We should all be feminists, de Chimamanda Ngozy Adichie

(traduit par : Nous sommes tous des féministes – vous aussi, vos yeux piquent en lisant ça ?)

Issu d’une conférence TEDx, ce très bref essai évoque quelques thèmes majeurs du féminisme et des problématiques de genre aujourd’hui, tout en étant très consensuel. D’accès facile, il peut être une bonne introduction pour les plus réfractaires à la question, mais ne vous apprendra sans doute pas grand chose si vous êtes déjà un ou une expert(e) en la matière. Pour ma part, je l’ai lu dans le cadre du club de lecture féministe animé par Ophélie d’Antigone XXI et Pauline d’Un invincible été. Je ne peux que vous conseiller, si le sujet vous intéresse, d’aller lire la critique fouillée et pertinente d’Ophélie, qui vous parlera bien mieux que moi de ce petit texte !

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[Sur la photo, vous pouvez voir l’autre livre de la sélection, une BD aussi riche que chouette et originale et que, cette fois, je vous recommande vivement ! Pour les plus impatients, elle est disponible gratuitement sur le site du Mondeclic.]

Le vrai lieu, d’Annie Ernaux

Annie Ernaux, je pourrais vous en parler pendant des heures et des heures (des pages et des pages ?), tant j’aime ce qu’elle écrit. Je n’ai pas encore tout lu, j’essaie d’être raisonnable et de garder quelques uns de ses ouvrages pour les mois, que dis-je, les années à venir (admirez mon infinie sagesse).

Le vrai lieu est une retranscription d’entretiens réalisés par Michelle Porte. L’auteure y revient sur les grands thèmes qui animent son oeuvre (famille, milieu social, études, adolescence, vie de femme) et également sur son rapport à l’écriture. L’ensemble est, comme toujours avec elle, d’une immense richesse, et d’une grande justesse. Si jamais vous aimez ses récits et avez envie d’en apprendre davantage sur la façon dont elle écrit et pense l’écriture, ce petit bijou est fait pour vous.

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On arrive à la fin de ce premier billet empli de mes dernières lectures hivernales ; j’espère que vous aurez pu piocher quelques idées dans ces petites critiques ! Aimez-vous ce format, ou préférez-vous lire des analyses plus fouillées ?

 

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